Une psychologue au plus près des patients face au cancer

Dans le tumulte des diagnostics et l’épreuve des traitements, il est possible pour les patients qui le souhaitent de se faire accompagner par un psychologue qui saura leur apporter l’attention sensible nécessaire pour apaiser leurs angoisses et reconstruire un équilibre. Entre écoute attentive et expertise, le psychologue œuvre en synergie avec les équipes médicales pour offrir une prise en charge humaine et globale, où le bien-être psychologique est également une priorité.

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Bonjour Léonor, pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours ? Quel a été le déclic pour vous orienter vers la psychologie notamment dans le domaine de l’oncologie ?

Après un cursus en philosophie suivi d’une maîtrise, j’ai choisi de poursuivre un master en psychologie, attirée par les liens entre ces deux disciplines, notamment autour des représentations de soi, des questionnements identitaires et du lien à l’autre. Ce qui m’a motivée, c’est la possibilité de mettre ces réflexions au service du soin.

Mon parcours m’a ensuite conduite à réaliser une thèse en psychologie dans le champ de l’oncologie, un domaine que je n’avais pas envisagé au départ, mais où je me suis pleinement investie après une première opportunité. L’oncologie m’a offert la richesse du travail interdisciplinaire avec soignants, médecins et biologistes, tout en me permettant d’accompagner des patients dans des moments cruciaux de leur existence. Ce métier me passionne, car il conjugue réflexion sur l’humain et accompagnement dans la vulnérabilité, au coeur même de ce qui fonde notre lien à l’autre.

Comment collaborez-vous avec les équipes soignantes pour que l’aspect psychologique soit pleinement intégré dans le suivi du patient ?

La collaboration avec les soignants est au coeur de notre approche. Elle repose sur une culture de confiance mutuelle, patiemment construite au fil des années. Lors des RCP (Réunions de Concertation Pluridisciplinaires), médecins, psychologues, infirmier.e.s. et autres professionnels unissent leurs expertises pour définir ensemble la meilleure prise en charge, en intégrant les besoins psychologiques et sociaux des patients. Cette coopération se prolonge par des échanges informels et des formations dédiées aux soignants, pour mieux comprendre le vécu des malades. De plus, nous impliquons de plus en plus les patients et leurs proches dans les décisions, en co-construisant les stratégies thérapeutiques. Cette approche collaborative place le patient au coeur du soin, comme acteur de son parcours.

Comment décririez-vous l’impact émotionnel d’un diagnostic de cancer sur vos patients et leur entourage ?

L’annonce du cancer est un choc brutal, souvent comparé à un « coup de massue » ou un « éclair dans un ciel serein ». Même lorsque les patients s’y attendent, ils sont plongés dans une période d’incertitude et d’angoisse. Comment gérer les effets secondaires des traitements ? Comment protéger leurs proches, notamment leurs enfants, avec la culpabilité qui les envahit souvent ? Cette souffrance émotionnelle est d’autant plus complexe qu’elle touche également l’entourage, parfois en retrait dans le regard des soignants. Les proches vivent dans la peur de perdre l’être aimé, tout en assumant de nouvelles responsabilités. Cette solitude émotionnelle, couplée à la crainte de ne pas savoir comment en parler avec le patient, accentue la détresse des proches. Un soutien adapté à l’entourage est donc essentiel pour apaiser cette douleur partagée.

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Au-delà de l’annonce du diagnostic, quel moment trouvez-vous le plus délicat pour un patient sur le plan moral, et qu’est-ce qui le rend particulièrement difficile ?

Chaque patient vit son parcours face au cancer de façon singulière. Pour certains, ce ne sont pas les annonces médicales ou la chirurgie qui marquent le plus, mais des étapes comme la radiothérapie, parfois chargées d’un poids émotionnel inattendu. Ces ressentis, souvent ancrés dans des expériences personnelles ou familiales, sont toujours légitimes.

Une période particulièrement délicate reste la fin des traitements. Si elle apporte un soulagement physique, elle peut également plonger le patient dans un sentiment d’abandon ou de solitude. Passer de « patient » à « survivant », terme consacré dans le monde anglo-saxon mais loin de faire consensus en France auprès des patients en rémission, s’accompagne d’une perte de repères, d’incertitudes et parfois d’un vide émotionnel.

Dans ce contexte, le psychologue joue un rôle clé : non pas pour imposer une vision positive, mais pour aider à accueillir les émotions, même les plus sombres. En les apprivoisant, le patient peut se reconnecter à ses aspirations et trouver une voie pour avancer, au-delà de la maladie, en restant fidèle à lui-même.

Vous êtes témoin de grandes résiliences mais aussi de moments de découragement. Quels sont les leviers que vous jugez les plus efficaces pour redonner espoir et énergie aux patients ?

Le rôle du psychologue, dans ce contexte, est de permettre au patient de naviguer entre ses émotions contradictoires. Plutôt que de chercher à injecter un espoir forcé, on l’aide à reconnaître et à accepter la palette de ses émotions, à les comprendre et à cheminer avec celles-ci. C’est en réintégrant ses émotions dans son parcours qu’il peut retrouver un équilibre et se reconnecter à ses valeurs profondes. Car au-delà de la maladie, c’est la personne à part entière, avec ses besoins et ses aspirations, qui doit pouvoir se redéfinir et avancer.

Le cancer peut affecter profondément l’image de soi, notamment avec les effets visibles des traitements. Quels conseils donnez-vous pour aider les patients à garder confiance malgré ces changements ?

Lorsque la maladie transforme le corps, les patients peuvent se sentir éloignés des standards de beauté et d’une image d’eux-mêmes positive. Le regard des autres, souvent chargé de compassion excessive, peut accentuer cette détresse. En tant que psychologue, il est crucial d’apporter une écoute attentive et bienveillante, sans minimiser le ressenti des patients. Ce qui peut sembler anodin pour certains, comme la perte de cheveux, est une véritable épreuve pour d’autres. Offrir un espace où leurs émotions sont validées et, si nécessaire, les orienter vers des solutions pour restaurer leur image, contribue à leur redonner confiance et à accompagner les patients dans leur reconstruction personnelle.

La peur de la récidive est un sujet récurrent. Comment aidez-vous vos patients à surmonter cette crainte sans qu’elle prenne le dessus sur leur quotidien ?

L’angoisse de la récidive, omniprésente chez presque tous les patients, est une peur naturelle. Si elle peut encourager à suivre les recommandations médicales, elle devient problématique lorsqu’elle envahit le quotidien, entraînant soit une hypervigilance, soit un refus des soins. Le rôle du psychologue est alors d’explorer cette peur pour en comprendre les origines – peur de la souffrance, de la maladie ou de l’inconnu – et d’accompagner le patient vers une acceptation d’une forme d’incertitude. Certaines personnes peuvent avoir besoin de s’ancrer davantage dans l’instant présent, d’autres d’apprivoiser leurs angoisses ou tristesse éventuelles ; ainsi, elles peuvent retrouver un sentiment de maîtrise de leur vie.

Comment accompagnez-vous vos patients dans leur parcours d’après-cancer, notamment lorsqu’il s’agit de reprendre le travail et de renouer avec leurs activités d’avant ? Quelles sont, selon vous, les étapes clés pour retrouver une vie équilibrée après cette épreuve ?

La maladie grave incite souvent à réévaluer sa vie personnelle, professionnelle et relationnelle, bien que certains patients n’aient pas la possibilité de faire ces choix. Les inquiétudes, telles que l’idée que la maladie soit liée au surinvestissement au travail, sont des représentations importantes à entendre. Le rôle du thérapeute est d’aider à explorer ces sentiments et à redonner au patient son autonomie, sans pression extérieure. Le changement doit être un choix intime, qu’il s’agisse de réorienter sa vie ou simplement de retrouver une normalité, même modeste. L’objectif est de respecter le rythme de chacun, sans chercher à correspondre à un modèle imposé.

Enfin, avez-vous un souvenir marquant d’un patient dont la capacité à garder le moral a été particulièrement inspirante pour vous et les équipes soignantes ?

Ce qui me touche profondément, ce sont les patients qui, malgré les épreuves, arrivent à rester attentifs aux autres. Leur capacité à être empathiques, à penser à leurs proches, voire à se soucier de l’état des soignants, est un véritable cadeau. Ces patients, qui ne laissent pas la maladie définir leur existence, sont une source d’inspiration et de réconfort pour ceux qui les accompagnent.

Un grand merci à Léonor pour cet échange, qui met en lumière son approche humaine de l’accompagnement en oncologie.

À travers son écoute et son engagement, elle aide chaque patient à traverser ses peurs et ses espoirs, en plaçant toujours l’humain au coeur du parcours de soin.