Rencontre avec une diététicienne-nutritionniste

Redonner du goût à la vie : la nutrition au service des patientes

Les diététiciennes-nutritionnistes accompagnent les patients atteints d’un cancer tout au long de leur parcours de soin. Leur approche, à la fois humaine et bienveillante, repose sur l’importance d’une alimentation adaptée pour soutenir le corps et l’esprit face aux défis des traitements. En offrant des conseils pratiques et une écoute attentive, elles aident les patients à retrouver le plaisir de manger tout en répondant aux besoins spécifiques liés à la maladie. Cette rencontre permet d’explorer l’importance de leur rôle et de découvrir des conseils pour concilier santé et bien-être.

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Bonjour Florence, pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours, de ce qui vous a conduit à choisir la nutrition comme spécialité, et des établissements où vous intervenez actuellement ?

J’ai choisi de me reconvertir, après une longue carrière professionnelle. Cette expérience m’aide aujourd’hui à mieux comprendre les contraintes de mes patientes, notamment celles atteintes d’un cancer du sein. Entre les traitements, les horaires décalés, l’organisation des repas en famille ou au travail, je sais à quel point il est difficile d’intégrer une alimentation équilibrée dans un quotidien chargé. J’accompagne ces femmes dans une période de vie bouleversante, avec une approche bienveillante et pragmatique. Mon objectif est de rendre la nutrition accessible et de répondre aux besoins spécifiques de chacune, avec une écoute attentive et des conseils concrets.

Comment travaillez-vous avec votre équipe pour offrir une prise en charge globale et adaptée aux patientes ?

Je collabore étroitement avec l’équipe médicale, notamment les oncologues, pour intégrer la nutrition à la prise en charge globale. Bien que la priorité des oncologues reste centrée sur les traitements, je m’efforce de sensibiliser à l’importance d’une alimentation adaptée pour améliorer le bien-être et la qualité de vie des patientes. Les consultations en nutrition se font souvent sur initiative médicale ou à la demande des patientes, grâce à des brochures explicatives distribuées dans l’établissement. Notre rôle est d’apporter des solutions concrètes et personnalisées pour accompagner les patientes à chaque étape de leur parcours de soins, en mettant l’écoute et l’humain au premier plan.

Comment conjuguez-vous équilibre alimentaire et plaisir de la table pour aider les patientes à mieux vivre leur quotidien tout en respectant leurs goûts ?

Je place le plaisir de manger au coeur de mon approche, car l’alimentation ne doit jamais être synonyme de frustration. J’adapte mes conseils aux goûts, habitudes et cultures de mes patientes, en leur montrant qu’il est possible de manger équilibré sans renoncer aux saveurs et au plaisir. J’aime partager mon amour de la cuisine pour les aider à composer des repas savoureux qui respectent leurs besoins. Avec de petites astuces, j’ajuste leurs plats habituels pour qu’ils restent gourmands tout en prenant soin de leur corps. L’objectif est de leur redonner confiance et joie à table, même face à la maladie.

Les traitements comme la chimiothérapie peuvent entraîner des nausées. Avez-vous des astuces concrètes pour aider les patientes à gérer ces effets secondaires ?

Face aux effets secondaires des traitements comme la chimiothérapie, je m’efforce d’apporter des solutions concrètes et adaptées à mes patientes. Les nausées, très fréquentes, rendent parfois insupportables les odeurs de cuisine. Dans ces moments, je recommande de déléguer la préparation des repas à un proche ou d’anticiper en ayant des aliments simples et prêts à consommer : salades composées, poulet froid, ou légumes en conserve comme les coeurs d’artichauts. Notre rôle est d’encourager les patientes à privilégier des repas légers, aux saveurs neutres, pour maintenir un apport nutritionnel sans forcer. Ce n’est pas le moment de chercher à cuisiner des plats complexes. L’essentiel est de respecter son rythme, d’écouter son corps et de préserver une alimentation équilibrée tout en prenant soin de soi. Le fractionnement des repas avec la mise en place de collations est une excellente réponse aux nausées.

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Le cancer et certains traitements occasionnent souvent des troubles de l’appétit et une diminution de la masse maigre. Recommandez-vous des compléments alimentaires pour y remédier ?

Je privilégie une approche naturelle avant de recourir aux compléments alimentaires. Si la patiente peut encore manger, j’évalue ses apports nutritionnels et propose des repas équilibrés, notamment en enrichissant l’alimentation avec des protéines issues de produits laitiers ou de fromage, qui sont de bons apports. Les compléments peuvent être utiles, mais uniquement en cas de dénutrition avérée. Mon objectif est de conserver le plaisir de manger, de préserver les goûts et de maintenir des habitudes alimentaires, car ces moments partagés sont essentiels pour le bien-être.

Les régimes hyperprotéinés sont parfois envisagés pour préserver la masse musculaire, particulièrement lorsqu’ils sont combinés à une activité physique adaptée. Comment guidez-vous vos patientes dans l’adoption de ces approches ?

Les régimes hyperprotéinés, bien qu’utiles dans certaines situations, doivent être abordés avec prudence. Leur efficacité dépend de nombreux facteurs, comme l’état général du patient et la fonction rénale. Pour les personnes âgées, un apport excessif en protéines peut poser un risque pour les reins, d’où l’importance de bien doser cet apport. Plutôt que de se tourner immédiatement vers ces régimes, je privilégie d’abord une évaluation précise des apports nutritionnels, en utilisant les aliments riches en protéines comme les produits laitiers, le fromage, ou encore les viandes maigres. En parallèle, l’activité physique devient un allié indispensable. Elle n’est pas seulement une prévention contre les récidives mais joue aussi un rôle essentiel dans le bien-être global. Que ce soit à travers la marche rapide, le yoga ou la natation, l’activité physique adaptée doit être intégrée progressivement, selon l’état du patient. Ce n’est pas une course de vitesse, mais un chemin de sérénité et de santé durable. En combinant une alimentation équilibrée avec une activité physique régulière, on crée un cercle vertueux qui soutient à la fois le corps et l’esprit, contribuant à une récupération plus complète et à un mieux-être quotidien.

Les interactions entre aliments, boissons et traitements peuvent être délicates. Quels sont les principaux points de vigilance que vous partagez avec vos patientes ?

Lorsqu’il s’agit de l’alimentation et des interactions avec les traitements, certaines précautions sont nécessaires. Par exemple, le pamplemousse, l’ail en grande quantité et certains compléments comme le chardon-marie peuvent interagir avec les médicaments. Cependant, ces situations restent rares. Il est essentiel d’être particulièrement vigilant avec le soja, qui contient des phytoestrogènes capables de perturber le fonctionnement des cellules, ce qui peut nuire à un traitement contre un cancer hormonodépendant. Concernant les glucides, il est crucial de maintenir un apport équilibré. Les glucides complexes issus des féculents (apports énergétiques), des légumes et des fruits (riches en fibres et en vitamine C), sont importants pour l’énergie et la santé. En revanche, il est préférable de limiter la consommation de sucreries, tout en permettant un petit plaisir de temps en temps : une pâtisserie par semaine ou un carré de chocolat noir. En effet, une alimentation équilibrée, riche en nutriments et pauvre en grignotages sucrés, est essentielle pour éviter de stimuler les cellules cancéreuses, qui se nourrissent principalement de sucre.

Quels ajustements spécifiques proposez-vous pour adapter l’alimentation aux contraintes personnelles et professionnelles des femmes en traitement ?

Reprendre une vie professionnelle pendant ou après un traitement contre le cancer implique souvent de jongler avec des défis nutritionnels, surtout lorsqu’on n’a pas accès à une cantine. Il est recommandé de préparer son repas à l’avance lorsque cela est possible, ou de choisir des options équilibrées à l’extérieur, comme des salades avec des protéines ou des plats sans sauces riches. Pour les repas familiaux, comme les burgers ou pizzas, l’essentiel est de les équilibrer avec des légumes, et de ne pas en faire une habitude quotidienne. Préparer des soupes ou des plats simples à la maison, avec des légumes frais, surgelés ou en boite, peut aussi aider à maintenir un bon équilibre alimentaire.

Pensez-vous que l’alimentation peut jouer un rôle dans la prévention des récidives, et si oui, quels sont vos conseils prioritaires ?

L’alimentation joue un rôle clé dans la prévention des récidives du cancer. Pour maintenir un poids de forme et limiter les risques, il est essentiel de privilégier une alimentation variée et équilibrée, riche en fruits et légumes. Une astuce pratique : en fin de marché, les produits frais sont souvent à prix réduit, ce qui permet de manger sainement sans se ruiner. Consommer régulièrement des fruits et légumes de saison, associés à une activité physique régulière, aide à renforcer la prévention. Cette approche, en complément du suivi médical et de la prise des traitements, soutient le bien-être général et réduit les risques de récidive.

Enfin, si vous aviez un message clé à adresser aux femmes qui traversent cette épreuve du cancer, que leur diriez-vous pour les encourager à revoir leur alimentation tout en gardant le plaisir de manger ?

Pour les femmes traversant la difficulté du cancer, mon message est simple : écoutez votre corps et faites-vous accompagner par un spécialiste en nutrition. La nutrition en oncologie est spécifique, et un professionnel pourra évaluer vos besoins énergétiques et vous aider à retrouver le plaisir de manger, sans stress. Il est également crucial de ne pas se laisser influencer par des régimes à la mode qui ne conviennent pas à tout le monde. L’objectif reste de maintenir une alimentation équilibrée et de retrouver le plaisir de manger.

Merci à Florence pour cette rencontre enrichissante.

Son approche bienveillante et pragmatique montre combien la nutrition peut être un allié précieux pour traverser l’épreuve du cancer du sein tout en préservant la joie de manger. Un accompagnement essentiel qui permet aux patientes de se sentir plus fortes, sereines et soutenues dans leur parcours.